top of page
Logo-ARBRE-Laurent-Hellot.png
  • Facebook
  • Twitter
  • Instagram
  • Picto-mail
Rechercher

Variations

Dernière mise à jour : 4 mars


Variations - Laurent Hellot

La couleur du soleil qui se couche n'est pas de la même féérie habituelle, avec ces multiples touches, de rouge, de rose et de orange, dans le bleu de ce ciel étrange. L'horizon au sein duquel se spectacle se dessine n'est pas identique à celui de journées voisines. Il semble que cette soirée annonce les prémices d'un changement que l'on peut deviner, subtile, mais tangible, tranquille, mais prévisible.

La fraîcheur qui se fait sentir, entre les souffles d'un puissant zéphyr et les regrets de voir ce jour s'enfuir rappelle que ce qui se prépare ne sera pas de la même fluidité que celle d'un départ d’un train en gare. Ce bouleversement à venir prend une forme que l'on ne serait encore définir, bien que ces contours présagent d'un étonnant avenir, réfléchi mais inédit, anticipé mais inusité, attendu mais confus.

Le silence qui se fait peu à peu dans les nuées se propage vers le sol dans un curieux ballet, sorte de spirale invisible qui absorberait tout ce qui la traverserait, en une marée contre laquelle rien ne peut résister, flot de douceur et de fermeté qui ne souffre pas que l'on s'oppose à sa volonté de calme et de paix, quoi qu'il puisse en coûter, dans une transformation qui ne saurait se discuter.

Les chants qui résonnaient, les rires qui montaient, les envies qui vibraient s'éteignent l'un après l'autre avec la lumière qui disparaît, dans un mouvement coordonné qui indique qu'il est temps que l'on passe à d'autres activités, d'intérieur, en son cœur, et non plus à la face du monde où débordent joie et faconde, mais au contraire dans le creux d'un canapé où l'on peut se lover.

La transition qui se fait, de cette douceur vers ces frimas que l'on subodorait, n'est pas de celle que l'on peut éviter, puisque doit prendre place cette variation pour que le futur puisse exister, la nature se ressourcer, le rythme se ralentir et les hommes se poser, dans une nécessaire tempérance, afin que demain puisse s'inventer, différent, autrement que tous ces jours qui se sont écoulés.

Contempler ce changement à l’œuvre n'est pas la plus simple des réalités pour l'esprit cartésien que l'on connaît, prompte à tout anticiper et analyser, apte à évaluer et à s'adapter ; sauf qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'un hiatus que ne manquera pas de se rééquilibrer, mais bien d'un rébus dont personne n'a la clé, à part la certitude qu'il doit être décodé pour que chacun découvre ce qu'il cachait.

Face à ce soleil qui disparaît renaissent des peurs que l'on avait enfouies au point de les oublier, qui font soudain battre le cœur à une vitesse qui pourrait nous inquiéter, ne serait-ce le fait de notre complète immobilité, actant que se déroule bien plus qu'un effort qui l'on ne réussirait pas à surmonter, mais que nos émotions sont en train de se jouer de nous et de notre cérébralité, avec une déconcertante facilité.

L'atténuation de ce bleu limpide et céleste, l'altération de ces couleurs vers des tons pastelles , puis un gris aux nuances diverses, pour enfin rejoindre un noir sombre où plus rien ne reste fait revenir en notre chair le souvenir de temps de famine et de guerre, bien que l'abondance soit aujourd'hui une évidence manifeste, mais dont la patente fragilité nous bouleverse.

Une fois ce crépuscule dépassé, la nuit bel et bien tombée, ne demeurent plus que ce doute et ces pensées au sein desquels revient sans cesse la possibilité d'un anéantissement programmé, alors que nous sommes en la plus parfaite sécurité. La survenue de cet événement rituel, à la résonance universelle remet toutes nos ambitions et nos croyances à leur place : minuscules au sein de l'espace.

Se sentir soudain si petits au beau milieu de cette nuit n'est pourtant plus une terreur, comme lorsque l'on était petit, mais réveille en cette soirée des questions que l'on ne s'était plus posées, sur le sens de nos choix, sur la pertinence de notre volonté, sur l'évidence du chemin que l'on a choisi d'emprunter, avec la sensation que cette obscurité peut d'un coup tout faire basculer.

Dans cette attente où tout peut arriver, le ciel nous offre alors de nous rassurer, en allumeur des étincelles et des étoiles par milliers, en autant d'indications que le meilleur peut tout aussi bien se concrétiser, quelle que soit notre capacité à envisager le pire comme la seule alternative vers laquelle tout cela doit se converger. L'apparition de ces éclats d'éternité propose ainsi une direction que l'on n'osait plus imaginer ;

Les yeux de nouveau fixés sur la voûte céleste, nous comprenons alors que le seul soleil qui nous éclairait était aussi celui qui nous cachait tous ces autres qui existaient, en réplique d'une multitude de chemins que l'on pourrait tout autant emprunter, vers d'autres voies que celles au sein desquelles l'on baguenaudait, en des directions que l'on n'avait même pas envisagées.

Dans ce creuset de mondes soudain révélés, nous ne sommes plus si seuls ni effrayés, mais au contraire soulagés de comprendre enfin la nécessité de plonger dans cette ombre que l'on rejetait, pour que puissent s'y montrer tous les trésors qu'elle recelait, en une multitude de cadeaux et de sens cachés, qui sont enfin à notre portée, pour peu que l'on se décide cette fois à les explorer.

Fascinés comme des enfants devant des bougies allumées, nous entendons cette fois notre sang qui pulse d'une nouvelle vitalité, celle qui surgit après un danger surmonté, pour retenir la leçon qui nous a été donnée, l'apprendre et la partager, afin de grandir et d'avancer. Et tandis que nous sourions à cette nuit en particulier, un astre sombre et rayonnant se lève en majesté : la Lune qui vient nous révéler ses secrets.

Comments


bottom of page